Prendre du recul sur son expérience entrepreneuriale
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Entreprendre à 50 ans, un retour d’expérience

En 2018, après plus de 25 ans en tant que salariée, je décide de me lancer dans l’entrepreneuriat. 5 ans après, je partage dans cet article mon retour d’expérience: Quelles sont les raisons qui m’ont poussée à entreprendre à 50 ans? Quelles sont les peurs que j’ai rencontrées? Avec le recul, quels conseils je pourrais partager?

Selon l’Insee, en 2018, 17% des créations d’entreprises individuelles ont été le fait de personnes de plus de 50 ans. A cet âge, le monde du travail salarié se rétrécit pour nous, « séniors », pas seulement en termes de nombre d’emplois mais surtout en termes de potentiel d’évolution et de responsabilités. Et pourtant, nous avons encore l’envie de faire bénéficier une entreprise de nos compétences ainsi que de progresser. Sans compter, que nous avons également besoin de gagner notre vie.

Lancer sa propre entreprise semble alors comme une solution parfaite à la réalisation de ses ambitions professionnelles et pécuniaires. Pourtant, cette transition, je l’ai vécue. Et si aujourd’hui, j’en suis très heureuse, le virage n’a pas été simple à négocier. Je vous en dis plus dans cet article.

Qu’est-ce qui m’a poussée à entreprendre?

Créer mon entreprise m’a permis de reprendre (un peu) le contrôle de ma vie

Après avoir quitté mon emploi en tant que responsable d’une ONG internationale, j’aspirais à trouver un poste de Direction Générale dans le même secteur. Malgré mon expérience, mes preuves de résultats et tous mes efforts, aucun des entretiens n’aboutissait à une embauche: marché étroit? un peu âgée pour le poste? femme? provinciale? Quelles qu’en soient les raisons, je me suis vraiment sentie dépérir à ce moment-là. Personne autour de moi ne comprenait pourquoi je n’y arrivais pas et j’avais l’impression d’être inadéquate et inutile , sans comprendre réellement en quoi, et donc avec peu de pouvoir sur une éventuelle amélioration.

C’est pourquoi, un peu par défi, et afin de retrouver un certain contrôle sur ma vie, j’ai décidé de me lancer dans la création de mon entreprise. Sans réellement savoir ce que j’allais proposer, je me suis accrochée aux bribes de confiance en moi qu’il me restait et je suis partie à l’ascension de cette montagne. Je n’en voyais pas encore le sommet, je ne savais pas très bien quel chemin j’allais prendre, mais j’ai fait le premier pas, puis le second, puis le troisième et je continue aujourd’hui de marcher!

Pourtant se lancer à 50 ans, ça fait peur!

C’est une évidence, je me suis lancée dans cette aventure de l’entrepreneuriat, pour démontrer que je n’étais pas finie, que je pouvais encore être utile et indépendante financièrement. Pourtant, j’y allais les jambes flageolantes et avec plus de doutes que de certitudes! Voici quelques-unes des plus grandes peurs que j’ai rencontrées (et que je rencontre encore parfois)!

  • la peur de faire le mauvais choix et de mettre en péril ma famille
    Dès le départ, la question des moyens financiers s’est posée. Comment allais-je pouvoir générer suffisamment de revenus avec mon activité? Combien de temps cela prendrait? Avons-nous les moyens de prendre ce risque? Est-ce que je mettais les études de mes enfants à risque? Si j’échouais, comment pourrais-je retourner dans le salariat, alors un peu plus vieille et un « trou » dans le CV? Je ne vous raconte pas les nuits blanches passer à me demander si je faisais le bon choix. D’ailleurs, pendant les premiers mois, j’ai continué à parcourir les offres d’emploi et à y répondre.
  • La peur du regard de l’autre
    Cette peur a été une des plus importantes pour moi. En effet, je bénéficiais jusque là d’un certain statut social et répondre à la question « qu’est-ce que tu fais dans la vie? » était simple. Pourtant, en me lançant dans l’entrepreneuriat, cette question est devenue mon pire cauchemar! Que dire? Alors que je ne connais pas encore très bien ce que je propose et à qui, que je n’ai encore aucun client « payant », que puis-je répondre à cette question? Je passe un temps fou à me former au pitch commercial… le feedback est toujours que ce n’est pas assez concret… « oui, mais tu fais quoi exactement? », « Je ne comprends pas bien ce que tu fais ». Et bien, pour être honnête, ce n’est pas encore très clair pour moi non plus! Je vois alors dans le regard de l’autre une sorte d’interrogation, de pitié même… Mais la phrase qui tue vraiment, c’est « ah! il y a beaucoup de personnes qui se lancent dans l’accompagnement des chefs d’entreprise, non? ». J’interprète ça comme « comment tu vas réussir, ma pauvre, dans un marché tellement convoité? ». Ca réduit encore ma confiance en moi. Les rencontres sociales deviennent alors un vrai moment de douleur qu’il va me falloir dépasser pour avancer.
  • La peur de ne pas être à la hauteur
    50 ans, et je découvre une nouvelle expression: le syndrome de l’imposteur. Jamais entendu parler de cela avant! Cela ne veut pas dire que je n’ai pas eu de doutes avant cela sur mes compétences… Mais j’ai l’impression que c’est une expression très utilisée dans le monde des entrepreneures. C’est vrai que cela fait peur. Dans une entreprise, nous sommes habituées à vendre les produits de la société ou le travail de notre équipe. En tant qu’entrepreneure individuelle, je devais vendre mes prestations certes, mais avant tout, je devais me vendre! Et ça a remué beaucoup de croyances, que je n’avais jamais remises en question. Notamment, j’ai appris de mon entourage que ce n’était pas bien de se vanter, surtout en tant que petite fille intelligente qui capte très rapidement ce que les autres ont un peu plus de mal à assimiler… alors, j’ai toujours évité de mettre en avant mes succès. A 50 ans, il était temps que je change cette croyance, et bien d’autres encore. Croyez-moi, cela m’a demandé beaucoup d’énergie. Aujourd’hui encore, la prospection est un de mes plus grands défis en tant qu’entrepreneure.

Mes conseils pour se lancer dans l’entrepreneuriat

J’ai passé une grande partie de ma première année en tant qu’entrepreneure à me battre contre ces peurs et cette impression de ne pas être suffisamment légitime ou même utile. Comme je l’ai dit, cela m’a demandé beaucoup d’énergie et de persévérance. Et pourtant, 5 ans après, je suis heureuse du chemin parcouru qui m’a fait beaucoup grandir. Alors avec le recul, quels sont les conseils que je me donnerais si je devais recommencer?

  • Tout d’abord, accepter d’avoir peur. La peur est une émotion normale lorsqu’on prend des risques et elle n’est pas synonyme d’échec assuré. C’est une information sur nos points d’amélioration. Elle indique également que derrière nos efforts et nos progrès se cache quelque chose qui nous tient à cœur. Le trésor se trouve derrière!
  • Arrêter de croire que la personne que je croise sait mieux que moi. La plupart des personnes qu’on rencontre n’ont jamais lancé d’entreprises. Elles projettent sur nous leurs suppositions et représentations. Cette représentation est-elle plus vraie que la nôtre, nous qui passons nos journées dessus? Cela n’empêche pas d’écouter l’entrepreneure confirmée qui nous conseille avec bienveillance et humilité, si et quand nous lui demandons. Sans se comparer à elle, car son expérience et son chemin sont différents du vôtre.
  • Ne pas chercher à proposer quelque chose d’unique et de différenciant (à tout prix). Dans les accompagnements à l’entrepreneuriat, les questions telles que « que proposes-tu de différenciant? », ou « pourquoi je t’achèterais plus à toi qu’à une autre? », sont supposées nous faire avancer et nous aider à nous positionner. Et j’ai passé du temps à vouloir y répondre. Aujourd’hui, je pense que j’ai passé trop de temps à vouloir proposer quelque chose d’unique, alors que la question réelle, c’est qui je peux aider et comment, en améliorant constamment la valeur ajoutée de votre offre. Un coiffeur ne va pas se remettre en question tous les matins parce qu’il y a d’autres coiffeurs dans sa ville. Il ne va pas s’empêcher de se lancer parce qu’il n’est pas le seul. C’est donc pour moi une des questions sans fond dans tous les sens du terme. J’ai choisi la conviction plus stimulante que je n’ai pas besoin de proposer quelque chose d’unique parce que je suis moi-même unique et que je propose forcément quelque chose d’unique qui plaira à ma future cliente, comme on choisit d’aller chez son coiffeur plutôt qu’un autre, qui pourtant propose des coupes et des couleurs.
  • S’entourer de personnes qui me ressemblent. Elles rencontrent les mêmes problèmes que moi ou elles les ont rencontrés et ont su les surmonter. Nous ne sommes pas seules, d’autres personnes rencontrent les mêmes problèmes et ça, c’est vraiment déculpabilisant. Et en partageant nos bonnes pratiques, on avance plus vite. Pour ma part, j’ai rejoins très vite un réseau de consultants, la Chambre Professionnelle du Conseil Occitanie et cela m’apporte beaucoup quant à mon évolution. Le réseau qui vous ressemble et qui vous aidera à avancer existe, allez à sa rencontre.
  • Arrêter de se fixer des objectifs (surtout SMART). J’ai passé mes 3 premières années à me fixer et à repousser des objectifs que je n’atteignais jamais. Chaque fin d’année, en faisant le bilan, je culpabilisais… « pourquoi, n’ai-je pas réussi à atteindre ces objectifs, alors que d’autres y arrivaient? » Je remettais alors en cause ma légitimité et la viabilité de mon projet. Plus d’une fois, j’ai failli abandonner. Heureusement que je ne l’ai pas fait. Car aujourd’hui, j’adore ce que je fais! Avec le recul, j’ai compris que les objectifs fonctionnent très bien quand on connaît et maîtrise bien le contexte dans lequel on évolue. Quand on connaît une grande partie des données et qu’on les maîtrisent. Par contre, quand on lance une nouvelle activité dans un nouveau domaine, ces objectifs deviennent à la fois culpabilisants et limitateurs. Limitateurs car on ne peut imaginer que ce qu’on connait déjà. Or, par définition, quand on se lance dans l’entrepreneuriat, on se lance dans quelque chose de nouveau et il y a plein de données qu’on ne connait pas. Suivre des objectifs qu’on essaie d’atteindre coûte que coûte va nous empêcher de saisir les opportunités qu’on ne pouvait imaginer. Ce que je conseille, c’est de dessiner à grand trait la première destination qu’on veut atteindre, définir un chemin (c’est-à-dire les actions à mettre en place) et rester attentive au paysage qui se livre à nous pour ajuster si besoin.
  • Travailler ses fondamentaux régulièrement et avec détermination.
    Plus d’une fois, je me suis demandée s’il fallait que j’abandonne. Les résultats se sont fait attendre et j’avais besoin d’y voir clair dans un environnement où rien n’était sûr ni clair. Et si j’ai tenu le coup c’est que j’ai passé, et je passe encore, du temps sur mes fondamentaux: Clarté, Productivité, Energie, Présence, et Sens. C’est ma boussole, la boussole CPEPS que j’ai créée et qui m’aide, ainsi que les clientes que j’accompagne, à prendre des décisions importantes au quotidien et à gagner en efficacité. Le chemin de l’entrepreneure est sinueux et caillouteux et cette boussole me permet de persévérer et développer mon activité.

Ces quelques conseils m’auraient sûrement fait gagner du temps et surtout économiser de l’énergie quand j’ai décidé d’entreprendre à 50 ans. Et j’espère qu’ils vous aideront également, quel que soit votre âge. En résumé, ne nourrissez pas vos peurs avec les croyances et les peurs des autres, ne suivez pas aveuglément les conseils de personnes qui n’ont pas l’expérience de l’entrepreneuriat, assumez votre vision des choses sans penser que votre offre doit être absolument unique, trouvez des personnes qui vous aident à dépasser vos freins, travaillez en continu vos fondamentaux et nourrissez ainsi votre confiance en vous et en vos décisions.

J’espère que cette expérience partagée vous donne quelques pistes à explorer pour mieux vivre votre expérience de l’entrepreneuriat.
Je vous invite à commenter et partager votre propre expérience, vos doutes, vos difficultés et comment vous les dépassez. Nous apprenons toutes de l’expérience de l’autre afin de nous réaliser dans l’harmonie entrepreneuriale.

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